dimanche 2 novembre 2008

BLOGOSPHERE: la chasse aux sorcières est lancée

Le vent de la crise a pris sa vitesse de croisière. Ce qui ne va pas sans son lot de règlements de comptes, prophètes de l’apocalypse, et autres inquisiteurs. Le monde des weblogs ne fait pas exception à cette règle. Une grande partie est consacrée aux règlements de comptes, où des rédacteurs rappellent des vérités vielles de 200 ans au moins, puis cherchent des responsables à jeter à la vindicte populaire…


Tout d’abord, on traque les sorcières, on les sort de leur cachette...



Brûlons sa maison !!! La titrisation au bûcher !!



Voici l'extrait d'un article paru sur un blog. L'auteur (Gilles Bonafi) est visiblement remonté contre l'état du Monde.

« La titrisation dans le monde (c’est à dire les produits dérivés, CDS, CDO) représente 630 000 milliards de dollars (d’après Paul Jorion). L’économie réelle ne représente que 29 000 milliards de dollars, soit un rapport de 1 à 21.C’est de la folie pure ! Ce que certains nomment une bulle spéculative. Et donc, nous assistons aujourd’hui à l’explosion de cette vaste escroquerie financière. »

Oui, en effet, ça s’appelle une bulle financière. La crise financière actuelle, nous explique-t-on, est liée au fait que les informations concernant les valeurs qui circulaient sur les marchés financiers ne reflétaient pas l’économie réelle. Le problème est donc celui de la fiabilité de l’information. Très compliqué à régler, comme on le sait depuis bien longtemps déjà, et les solutions évoluent.

Par conséquent, remettre en cause la titrisation (un simple instrument), voire le libéralisme (un mécanisme de fonctionnement du marché comme un autre) est bonne façon de se détourner de sa responsabilité au profit de lynchages publics, activité que les humains apprécient particulièrement en période de crise.


Avant de brûler la maison de la vilaine sorcière Capitalista, de fermer tous les marchés du monde, d’attendre la fin du monde, ou s’exiler sur Mars, en ayant pris le soin de jeter le bébé avec l'eau du bain, on peut tout de même rappeler que ces instruments financiers existent parce qu’ils ont une utilité.

Utilité des instruments financiers : exemple dans la propriété intellectuelle (PI)


Pour valoriser la création, la titrisation présente un aspect séduisant. Il s’agit d'avoir un titre représentant la valeur créative de l’entreprise ou de l'auteur. La stabilité et la clarté d’un titre PI en facilitent la circulation.
La principale difficulté réside dans l’évaluation du portefeuille PI, parce que la créativité estt un concept difficilement quantifiable, et certains droits ne sont pas sujets à un titre. Par exemple, en France la création d’une œuvre littéraire et artistique ne donne pas lieu à un « copyright », véritable titre, puisque le droit naît dès que l’idée a été concrétisée sur un support.




Le lien entre valeur et information




Malgré la loi française très protectrice, les auteurs (ou le cas échéant les entreprises qui les emploient) tiennent à enregistrer leurs œuvres, pour des raisons de preuve afin de se protéger d’éventuels plagiaires. L’autre avantage est que dès lors qu’il existe un document protégeant l’idée, et qu’importe sa forme juridique, elle peut circuler plus facilement. Il s’est ainsi développé, avec les années, une foule de documents qui, même sans avoir la valeur juridique d’un titre, jouent le même rôle dans l’économie en ce qu’ils sécurisent la circulation des idées.

La confiance qu’accordent les acheteurs de titres et autres valeurs PI à l’entreprise qui en est propriétaire dépend de sa réputation. Cette réputation dépend de la performance de l’entreprise, ou du secteur d’activité en général. Il est donc essentiel, pour toute entreprise qui mise sur la valorisation de sa PI, par exemple dans les nouvelles technologies, de s’informer en permanence sur l’état du marché, qui est fluctuant et dont tous les aspects (technique, juridique, national, international…).

C’est pour cela que toutes les entreprises qui ont saisi l’importance d’avoir une bonne gestion des connaissances travaillent en amont avec des spécialistes de chaque secteur qui a une incidence sur leur activité. La mise en place d’une véritable stratégie PI nécessite des moyens financiers considérables car elle fait appel à des spécialistes hautement qualifiés. Les entreprises innovantes n’ont donc pas toujours les moyens de leur créativité. La propriété intellectuelle n’est pas un domaine pour les pauvres.



Les limites du lien entre valeur et information : exemple des patent trolls




« Pour le sujet parlant, il y a entre la langue et la réalité adéquation complète : le signe recouvre et commande la réalité ; mieux, il est cette réalité »
E.Benvéniste, Problèmes de linguistique générale, ed.Gallimard, 1966,I, pp.52-53.

Les termes mêmes de « propriété intellectuelle » sont trompeurs. Le but de la protection accordée aux créations est la sécurité de leur circulation, et toute pratique qui a pour effet d’empêcher leur circulation (blocage) ou leur sécurité (piratage) est contraire à cet objectif. Le titre ne peut donc pas être utilisé en tant que tel, sans prendre en compte la réalité technique, commerciale ou artistique qu’il recouvre.


Malheureusement, la possibilité de lever des fonds grâce à la propriété intellectuelle a éveillé des vocations et fait émerger beaucoup d’entités juridico-financières, dont le but est d’exploiter les titres en tant que tels. La dérive du phénomène s’appelle le patent trolling. Apparue aux Etats-Unis, cette pratique rompt totalement l’équilibre voulu par la propriété intellectuelle entre la circulation des créations et la rémunération du créateur.



Dans un mémoire de 2006 intitulé « Patent troll, un nouveau métier », Alexis Dufourcq (juriste PI) explique comment la valorisation des titres de propriété industrielle est devenue un domaine spéculatif et rémunérateur, en passant par des pratiques légales mais à la limite de l’éthique des affaires.


Le danger, en stabilisant l’instrument qui soutient l’avoir incorporel, est l’oubli de l’instabilité réelle inhérente à la propriété intellectuelle par quelques personnes trop motivées et insuffisamment en mesure de s’informer (voir au dessus : manque de moyens). Cet article de Pierre Breese, Conseil en Propriété intellectuelle rappelle qu’on ne peut pas appréhender les titres de propriété industrielle hors de la réalité technique (en constante mutation) et économique (sur le terrain, en dehors des marchés).


Morale de l'hisoire: Ouvrez les yeux, même dans le brouillard




Joyeux Halloween!







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